mercredi 26 octobre 2011

Parrainer un enfant, donner c'est recevoir: mon filleul du Nordeste du Brésil

L’aventure a commencé en 2006 lorsque j’ai contacté l’association PARTAGE ( http://www.partage.org/)    en France…Le parrainage d’enfant me paraissait un moyen d’action durable , enrichissant .. Connaissant bien le Brésil pour y aller régulièrement, j’ai demandé à parrainer un enfant brésilien et un jour, j’ai reçu le dossier de Willame, 9 ans , vivant dans le Cearà , dans  le Nordeste , région pauvre et aride du Nord du Brésil.

L’association Partage recueille les fonds ( je donne 30 euros/ mois) et les envoient à l’association locale où réside l’enfant. L’argent sert aussi bien au filleul qu’aux autres enfants de l’association. L’association sur Fortaleza qui dirige les différents projets dans le Cearà s’appelle le GACC ( Groupe d’Aide aux Communautés Pauvres ) . Les enfants parrainés sont aussi bien issus de Fortaleza, de sa banlieue ( dans les favelas) que de villes éloignées dans le Cearà . Willame vit à Varzea Alegre à 470 kms de Fortaleza.
A Varzea Alegre, l’association locale qui gère les actions au sein de la ville s’appelle ACOMVA ( en traduction, Aide aux Communautés pauvres de Varzea Alegre ).

ACOMVA  ( www.acomva.com/index.html)

Outre les prélèvements mensuels de 30 euros, des échanges écrits sont institués, le parrain reçoit plusieurs fois par an des nouvelles du filleul et des actions menées sur place. Mon filleul m’envoie lettres, petits cadeaux façonnés par ses soins, photos, dessins..

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De mon côté, j’adresse des courriers avec des photos , des cartes postales permettant aux enfants de découvrir la France et notre manière de vivre. C’est une joie à chaque fois de recevoir les petites lettres de mon filleul. Le GACC met la traduction et traduit aussi la lettre que le parrain envoie mais c’est mieux quand on peut écrire dans la langue du pays. Pour ma part, commençant à me débrouiller à peu près correctement en portugais , je m’efforce d’écrire dans les 2 langues ( français et portugais ) ( et comme ça , cela me fait travailler mon portugais !)
  •  
Pour vous situer, Fortaleza est la capitale de l’état du Cearà , dans le région du Nordeste. Cette ville immense ( Bernard Lavilliers ne la reconnaîtrait pas ! pour les initiés..) . Cet ancien petit port de pêche s’est transformée en une mégapole de 151 000 kms et de 7,4 millions d’habitants.
  • L’état du Cearà est le plus pauvre du Brésil, il regroupe près de 2,2 millions d’habitants. L’agriculture , difficile du fait des sécheresses récurrentes, emploie encore 39% de la population active du Cearà ( contre 17% au national ) mais beaucoup de familles quittent leurs terres pour tenter leur chance en ville; d’ailleurs , un certain nombre d’enfants sont élevés par leurs grands-parents pendant que leurs parents sont partis travailler « en ville »; c’est le cas de Willame mon filleul. Ces familles grossissent la population des bidonvilles ( favelas qui sont au nombre de 614 à Fortaleza ). Dans les quartiers pauvres de Fortaleza la population a plus que doublé en 15 ans, et la misère , la violence sont omniprésentes dans ces favelas.  Même si beaucoup d’améliorations ont été apportées par le gouvernement Lula, le Nord-Est et le Nord sont beaucoup plus en retard dans tous les domaines que les régions situées plus au sud du pays. Les écarts de revenus et de conditions de vie entre les catégories sociales sont souvent abyssales. En particulier, ayant visité plusieurs fois Fortaleza, j’ai vu des images frappantes de SDF dormant au pied de grands hôtels de luxe et de grands immeubles luxueux sur le bord de mer….
  • Le salaire moyen perçu dans le Nordeste est de 2,2 fois inférieur à celui de la région Sud. La survie au jour le jour est la principale activité des adultes et par ailleurs, beaucoup de femmes vivent seules avec leurs enfants.
  • Le climat de la région est chaud avec 2 saisons marquées, l’hiver ( de mars à août) qui marque la saison des pluies ( peu fréquentes) et la saison sèche ( de septembre à mars) pendant laquelle les pluies sont quasi inexistantes et la sécheresse frappe durement et durablement l’intérieur de l’ Etat. Les températures sont élevées toutes l’année : 30° en juillet, 35-38° en décembre / janvier !!

  • Même si le Cearà intéresse de nombreux investisseurs et industriels et le tourisme et l’économie se développent , les pauvres sont toujours les « laissés pour compte ».
  • Après 2 ans d’échanges, profitant d’un séjour au Brésil je décide de découvrir la réalité du Nordeste et de rencontrer mon filleul. Partage ayant été prévenue, le GACC m’a donc accueillie en août 2008 à Fortaleza . C’est lors de ce séjour , où seule , j’ai découvert cette mégapole. Après m’avoir expliqué leur mode de fonctionnement, départ pour Varzea Alegre avec une accompagnatrice du GACC qui parle un peu français…….C’est à chaque fois un voyage long et fatigant, 470 kms de route dans un car ( au demeurant très confortable ) et plus de 7 heures de trajet…Et oui, ce ne sont pas des autoroutes mais des routes peu entretenues et le car s’arrête dans chaque ville……..Sachant que les 3 fois où j’y suis allée , je suis restée à Varzea Alegre un peu moins de 48h, et que pour cela je me suis fait 7h aller et 7h retour, il faut être motivé et en forme !!!  Quand on compare, j’ai mis le même temps pour traverser l’atlantique en avion … Mais comme dans tous les pays d’Amérique Latine, les trajets se comptent en heures pas en kilomètres……Le voyage en car permet de découvrir les paysages arides du Cearà , et encore j’y vais en fin de saison d’hiver donc il reste un peu d’eau dans les cours d’eau……..
  • A l’arrivée, les animatrices de ACOMVA nous accueillent chaleureusement , d’autant plus que c’est la 3 ème fois que j’y vais et donc nous commençons à bien nous connaître ….C’est une petite révolution dans ce quartier de Varzea Alegre car je suis la seule étrangère à être jamais venue . Personne ne vient dans le Cearà, encore moins les touristes…A chaque fois je loge dans le local de l’association ( avec nuit dans un hamac, ça je ne m’y ferai jamais, mon dos n’aime pas du tout …) . Les enfants , à chaque fois me reconnaissent dans la rue et viennent se pendre à mon cou… je me souviens de la première rencontre avec Willame…. J’étais un peu anxieuse , me demandant quel geste je devais faire , quels mots dire…. Willame était très timide et l’approche s’est faite progressivement… il était le roi de la journée, vous pensez , c’est le seul enfant de Varzea Alegre à recevoir sa marraine  !!
  • A chaque rencontre, les enfants fourmillent de questions à me poser et je tente , avec mon pauvre portugais , mon dictionnaire et l’aide de mon accompagnatrice de leur répondre…… Ils sont curieux de tout, de la France, de ma famille, de ma manière de vivre…A chaque venue , les animatrices ont préparées avec les enfants , une projection des photos faites lors de mes venues précédentes avec des petits mots des enfants, une chanson…..
  • .Cette année , ils ont même commencé à apprendre quelques mots de français, et je suis chargée de leur lire les traductions écrites et voire de les corriger…..Ils ont dû , je suppose utiliser les courriers ( les miens et ceux des autres parrains et marraines ) et un dictionnaire , parce que les animatrices ne parlent pas un mot de français donc un gros travail……..

  • Les enfants viennent au local de l’association soit le matin soit l’ après-midi selon leurs cours ( les enfants au Brésil ont cours seulement en demi- journées ( matin ou après-midi ou soir).

  • Malgré les efforts faits par le gouvernement, le Brésil compte environ 15% d’analphabètes et 1/3 des brésiliens sont « analphabètes fonctionnels » ( c’est-à-dire incapable d’utiliser la lecture et l’écriture pour les actes de la vie quotidienne) . Pourtant, l’enseignement primaire est obligatoire et gratuit au Brésil de 6 à 14 ans et 80% des jeunes de plus de 15 ans sont seraient scolarisés. Les effectifs dans les écoles primaires sont surchargés ( 45 à 50 enfants) , les professeurs , souvent mal formés, sont sous-payés et sont obligés de multiplier le nombre de classes afin d’avoir un salaire correct. L’université publique elle, jouit d’un bon prestige, d’un coût peu élevé, elle est cependant peu accessible aux enfants provenant des établissements secondaires d’ Etat du fait la différence de niveau de l’enseignement. La sélection se fait donc par l’argent, dès le primaire, entre ceux qui ont les moyens ou non d’aller dans une école privée. L’enseignement fondamental ( ou primaire) est organisé en 4 cycles couvrant une période de 9 ans ( de 6 à 14 ans). Les enfants vont à l’école 4 heures/ jour ( matin, après-midi ou soir) , du lundi au vendredi. La 2ème partie de la journée , les enfants aident leurs parents à la ferme ou à la maison ( ménage, gestion des plus petits enfants, cuisine..) Le taux de désertion scolaire est élevé et il existe d’importants décalages entre l’âge de certains jeunes et la classe où ils se trouvent, en particulier dans le Nordeste où 70% des enfants des 3 premières années de primaire étudient dans une classe ne correspondant pas à leur âge.
  • Le GACC :



  • Le GACC ( groupe de soutien aux communautés pauvres )
a pour mission de contribuer au développement socio-économique et culturel des communautés pauvres urbaines et rurales de l’Etat du Cearà en cherchant à renforcer la citoyenneté, afin d’atteindre l’équité sociale au travers d’activités telles que :
-L’accompagnement et l’orientation de plus de 2000 familles en difficulté lors de permanence sociales et visites au domicile.
-La stimulation précoce de petits ayant des problèmes de motricité, d’adaptation, de socialisation ou encore d’imagination et de créativité.
-L’alphabétisation des adultes.
-La remise à niveau scolaire et/ou alphabétisation (programme « d’accélération » ) pour les enfants de 11 à 17 ans qui présentent des difficultés d’apprentissage et au moins un retard scolaire de 2 ans.
-L’organisation de « groupes d’adolescents » afin de donner une formation humaine à des jeunes ayant pour la plupart des problèmes de conduite.
-La formation professionnelle et l’accompagnement personnalisé à la recherche de stages et d’emplois.
-L’éducation intégrée.
L’association Partage concentre l’essentiel de son aide sur ce dernier volet d’activités.
  • L’éducation intégrée :
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  • C’est un programme d’appuis scolaires. Il cherche en priorité à prévenir la marginalité infanto-juvénile en proposant des activités spécifiques aux enfants pendant les périodes extra scolaires. Les éducateurs ont pour mission de faire ressortir les valeurs morales qui influent sur la personnalité humaine ainsi que de développer le sens de la citoyenneté des enfants en leur faisant prendre conscience de leurs droits et leurs responsabilités face à la société. Ainsi, le programme s’attache non seulement à développer le potentiel cognitif, physique et affectif des enfants mais aussi à travailler leur intégration harmonieuse dans leur famille, à l’école et dans leur communauté.
  • Les objectifs :
-Proposer à l’enfant un apprentissage favorisant son développement scolaire.
-Développer les aptitudes à communiquer à travers le langage oral et écrit.
-Donner les conditions pour que l’enfant libère ses tensions et atteigne un meilleur équilibre émotionnel, notamment grâce à la pratique d’activités sportives et récréatives.
-Développer le raisonnement logique à travers des activités concrètes favorisant la résolution de problèmes pratiques et quotidiens.
-Cultiver la sensibilité à travers la poésie, les gestes,la voix, la musique.
-Contribuer à former les enfants en stimulant leur sens critique.
  • Pour cela , les enfants bénéficient d’activités multiples:
-Appuis scolaires : aide aux devoirs, soutien en mathématiques, lecture, écriture
-Travaux manuels et artistiques, sur un même thème pendant 1 mois

Atelier cuisine, préparation gâteau au chocolat !
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-Activités sportives : une demi journée par semaine
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-La « tente de la lecture » : c’est une bibliothèque qui permet de susciter l’intérêt des enfants pour les livres, de les aider à combler leurs difficultés en lecture et de stimuler leur pensée critique. ( J’avais personnellement amené des livres pour la bibliothèque )
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-Intégration sociale des enfants et ateliers ludiques où sont abordés des sujets comme la citoyenneté , l’amour, l’hygiène, les droits des enfants, la prévention contre la drogue, le sida, l’environnement…
-Sorties éducatives : cirque, musées, cinéma, zoo…
-Célébration de fêtes communautaires: jour international de l’enfant , Noël…
-Les enfants reçoivent quotidiennement un petit déjeuner et un goûter.
  • Les familles participent au projet  également, chaque mois, une réunion/atelier est organisé à leur attention , elles sont aussi sollicitées pour participer à des travaux d’ateliers d’entretien et au nettoyage du centre.
  • Lors de ces voyages à Varzea Alegre, j’ai pu rencontrer la famille de Willame. Ce sont ses grands-parents qui l’élèvent. Pour eux, c’est important d’avoir pu rencontrer la marraine de leur petit-fils, derrière le parrainage, il découvre une personne réelle . J’ai donc découvert le quartier où ils vivent.
  • Ils vivent sur la retraite du grand-père ( l’équivalent de 30euros/ mois ) dans une petite maison, de 3 pièces ( une salle de séjour, une chambre , une cuisine qui sert aussi de pièce à dormir pour Willame ( qui dort dans un hamac) avec derrière la maison une petite cour où viennent picorer les poules. Avec eux vit aussi le cousin de Willame dont les parents sont partis aussi travailler en ville.
Peu de place donc pour les enfants , en particulier pour s’isoler et travailler ses devoirs d’école. Comme aire de jeux , il ne reste que la rue.
  • Les grands-parents sont à chaque visite très chaleureux et expliquent leurs difficultés , leurs joies, leur fierté des efforts des enfants.Les enfants participent aux travaux de la maison.
  • Nous avons pu également rencontrer d’autres familles suivies par Acomva, étonnées et enchantées de ma visite….Les étrangers ne viennent jamais jusque là…
Actuellement, ACOMVA suit 136 enfants de 7 à 15 ans dont 76 sont parrainés .

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